La Parole de Dieu poursuit sa course
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Voilà le meilleur vœu de Pâques que, comme chrétiens, nous pouvons témoigner et annoncer au monde: «Laissez-vous réconcilier avec Dieu!»
La Croix, 8 avril 2009
Pour les catholiques de nombreux pays occidentaux, cette année, le chemin de Carême, vers Pâques, a été marqué par un malaise et une souffrance liés à des événements, à des déclarations qui ont suscité de fortes réactions et des émotions intenses, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Église. De simples catholiques et chrétiens ont souffert, des évêques ont souffert, et le pape a souffert, lui aussi. Traversons-nous des jours mauvais? Mais même les temps de l'exil à Babylone sont devenus des jours de purification et de nouvelle création, jusqu'à déboucher sur un « nouvel exode » accompagné de chants de joie. Même à travers des chemins étroits, des déserts et des exils, Dieu nous fait toujours comprendre davantage: ne craignons pas! Il est écrit: « Sentinelle, où en est la nuit? Le matin vient, mais il est encore nuit. Interrogez, convertissez-vous, venez! » (Is 21,11-12)
Dans cette optique, une constatation me semble émerger des récentes vicissitudes ecclésiales: ces jours ne sont pas tristes pour l'Église, mais ce sont des jours d'espérance. L'Église, en effet, a un seul critère pour juger si les temps qu'elle vit sont des « temps de grâce »: celui de l'abondance ou de la rareté de la parole de Dieu. Ainsi, nous le lisons dans les Écritures, les jours où « le jeune Samuel servait le Seigneur en présence d'Éli » étaient mauvais, car « la parole du Seigneur était rare en ces jours-là » (1S 3,1). Aujourd'hui en revanche, nous vivons une saison où la parole de Dieu résonne avec force et abondamment dans l'Église, et à travers elle dans le monde. Avant tout parce que le Concile Vatican II a voulu la remettre au centre de la vie ecclésiale: la Constitution dogmatique Dei Verbum contient des indications pressantes concernant la vénération des divines Écritures, leur traduction dans les différentes langues, afin que l'étude de la Bible soit l'âme de la théologie et l'aliment du ministère de la Parole, pour que tous les fidèles s'approchent des textes sacrés par l'étude, la prière et la liturgie (DV 21-25)… Ainsi, concluent les Pères conciliaires, « il est permis d'espérer un nouvel élan de vie spirituelle d'une vénération accrue de la Parole de Dieu qui “demeure pour l'éternité” » (DV 26). Grâce à une persévérance laborieuse, nombre de ces souhaits sont progressivement devenus réalité au cours des dernières décennies: authentiques pierres milliaires d'un chemin désormais irréversible qui a donné des fruits copieux et continue de les donner.
Pour cette raison, ne soyons pas surpris des difficultés et des contradictions que connaît la mise en œuvre de l'esprit et de la lettre du Concile. Déjà lorsque l'enthousiasme pour le renouveau en cours était vif, j'avais rappelé à plusieurs reprises que « plus un Concile interprétera fidèlement l'Évangile, plus il connaîtra d'oppositions, voir des tentatives d'anéantissement ». Il ne pouvait en aller autrement, car à chaque fois, dans l'histoire, qu'apparaît avec plus de clarté le signe de la croix du Christ, les forces adverses, qui veulent diviser l'Église, se déchaînent. Il en est allé ainsi pour Jésus; il en va ainsi, et il en ira ainsi, pour l'Église, chaque fois que celle-ci se montre plus fidèle à son Seigneur.
Or la parole du Seigneur aujourd'hui est abondante: cela, comme en bien d'autres époques de l'Église, également et peut-être surtout parce que des chrétiens de toute langue et de tout peuple sont devenus, par leur témoignage fidèle, des « lettres vivantes » adressées par Dieu aux hommes et aux femmes de notre temps. C'est leur réflexion, leur prière, leur agir quotidiens qui se font récit de l'amour de Dieu dans l'histoire. C'est grâce à leur amour réciproque que le monde peut les reconnaître comme disciples de Jésus de Nazareth, venu annoncer la bonne nouvelle de la victoire de la vie sur la mort. C'est de leur style « doux et humble de cœur », à l'exemple de leur Maître et Seigneur, que jaillit, avec une clarté cristalline, le message évangélique de l'amour plus fort que la haine.
Oui, même lorsque la mauvaise communication risque d'offusquer la bonne nouvelle, quand la clameur des cas particuliers qui s'abattent comme d'énormes arbres couvre le bruissement de la foret des gestes quotidiens qui ne cesse de croître, il est important de réaffirmer avec force que « la parole de Dieu poursuit sa course » et se fraie un chemin dans le cœur des humains. « L’Église, affirmait Paul VI, ne peut se sentir étrangère au monde, quelle que soit l’attitude du monde envers elle »: les chrétiens sont donc appelés à ne nourrir d'hostilité pas même à l'encontre de ceux qui en manifestent à leur égard. Et le ministère de l'évêque de Rome consiste à offrir unité à leur témoignage: sa priorité est donc, selon les mots mêmes de Benoît XVI dans sa récente lettre aux évêques, « de rendre Dieu présent dans ce monde et d'ouvrir aux hommes l'accès à Dieu », sans craindre d'aller même à contre-courant.
De ce difficile moment actuel peut naître pour l'Église, et plus encore pour le monde, la grande grâce de la « réconciliation », cette profonde harmonie qui se trouve annoncée dans les écrits de saint Paul et de l'Église des premiers siècles: « le ministère de la réconciliation », dont l'apôtre des païens se sent investi, ne se limite pas en effet au pardon des péchés des croyants individuels, mais s'étend à la dimension universelle. Il embrasse l'humanité dans son ensemble, se charge du chemin de l'homme dans l'histoire, des réalités concrètes, quotidiennes, à travers lesquelles l'humanité est appelée, dès maintenant, à devenir une « création nouvelle ». Voilà alors le meilleur vœu de Pâques que, comme chrétiens, nous pouvons témoigner et annoncer au monde: « Laissez-vous réconcilier avec Dieu! »
Enzo Bianchi, prieur de Bose (Italie)